Selon les estimations du député PS Laurent Grandguillaume, 3 % des auto-entrepreneurs seraient en réalité des… salariés déguisés. Une situation qui, si elle est financièrement intéressante pour les employeurs indélicats, peut néanmoins avoir de lourdes conséquences en cas de contrôle.
Petit rappel des risques auxquels s’exposent l’employeur et l’auto-entrepreneur en cas de salariat déguisé !
Un auto-entrepreneur n’est pas un salarié
L’auto-entrepreneur est un travailleur indépendant. Par principe, il n’existe donc aucun contrat de travail entre un professionnel exerçant sous ce statut et son client.
Contrairement au salarié qui doit exécuter les tâches qui lui ont été confiées, l’auto-entrepreneur est ainsi libre d’accepter ou non les missions qui lui sont proposées. Sa seule véritable obligation est contractuelle : il se doit de réaliser le travail pour lequel il est rémunéré, souvent dans un délai clairement défini avant le début de sa prestation.
Problème : certaines entreprises ont recours à des auto-entrepreneurs qui font alors office de salariés, sans que ceux-ci puissent profiter des mêmes avantages que des salariés en CDD ou en CDI.
L’intérêt que ces entreprises peu scrupuleuses y trouvent est double : s’exonérer du paiement des charges sociales et s’affranchir des obligations liées au contrat de travail.
Que dit la loi sur le salariat déguisé ?
La loi interdit formellement la pratique du salariat déguisé. Elle insiste en particulier sur le fait qu’un salarié et son employeur sont liés par un lien de subordination juridique. Ce lien de dépendance, qui existe même en l’absence de contrat de travail écrit, s’accompagne de divers droits et obligations pour le salarié comme pour l’employeur.
Si la justice constate un ou plusieurs indices qui laissent présumer de l’existence d’un lien de subordination entre un auto-entrepreneur et son client (horaires, délais ou lieu de travail imposés ; sanctions disciplinaires ; participation systématique aux réunions…), elle peut en conclure qu’il s’agit d’une situation avérée de salariat déguisé.
Salariat déguisé : quels sont les risques encourus ?
Du côté de l’employeur
Première chose à savoir : le salariat déguisé peut être assimilé à du travail dissimulé, c’est-à-dire à un délit qui peut coûter jusqu’à 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende à l’employeur.
Pour l’employeur, c’est aussi le risque que la mission de l’auto-entrepreneur soit requalifiée en contrat de travail. Dans ce cas, il se trouve alors dans l’obligation de régler les salaires, les congés payés, les heures supplémentaires, les primes et les cotisations sociales du salarié, sur la base d’un poste équivalent, et ce, de manière rétroactive.
Enfin, un auto-entrepreneur qui s’estime lésé à la suite de la fin de sa relation de travail avec son « client-employeur » peut saisir le conseil des Prud’hommes. Si la situation de salariat déguisé est prouvée, l’employeur doit lui verser une indemnité équivalente à 6 mois de salaire.
Du côté de l’auto-entrepreneur
Si les plus gros risques concernent avant tout l’employeur, l’auto-entrepreneur a lui aussi tout intérêt à éviter cette situation qui risquerait de le faire basculer dans la précarité.
En effet, un auto-entrepreneur en situation de salariat déguisé noue de fait un lien de subordination qui n’a pas lieu d’être avec son client. Pire encore : bien qu’il fournisse un travail identique, si c’est plus important, qu’un vrai salarié à poste équivalent, il n’est pas protégé par un contrat de travail.
Ainsi, il arrive que l’auto-entrepreneur finisse par ne plus être maître de son temps ni de son organisation. De ce fait, il n’a alors plus la possibilité de démarcher de nouveaux clients.
Enfin, si cet unique client vient à mettre fin à sa collaboration, il se retrouve alors sans aucune ressource financière, contrairement à un salarié qui se fait licencier.