Joris Merks propose une approche japonaise, sportive et tactique, du monde du travail dans son livre : « Le code du Samouraï, la voie du guerrier dans le monde numérique de l’entreprise du XXIè siècle » aux éditions Contre-Dires, de très belle facture. En mémoire de son maître et ami Jan Sjoerd Dotinga.
Plutôt que de vous opposer à une force, acceptez-la et redirigez-la contre votre opposant. Progressez pour le bien du monde qui vous entoure.
Le respect avant tout
Le premier et le plus déterminant des codes est le respect. Conjugué à la puissance et à la constance, il ouvre les portes aux professionnels de valeur, compétiteurs vertueux, dont le pouvoir va de pair avec le talent. Je vous entends d’ici : le seul livre de référence pour révéler son sens des affaires et son esprit stratégique est « L’Art de la guerre » de Sun Tzu. Oui et non.
Le code du Samouraï propose une vision plus contemporaine et adaptée à nos mentalités, impactées par la transformation numérique. Il est désormais davantage question d’atteindre une forme d’harmonie, une compréhension de soi qui facilite celle des autres et de se concentrer sur son développement personnel, gage de conquête collective.
L’ouvrage démontre que l’enseignement que reçoivent les Samouraï peut se transposer au monde de l’entreprise et, selon l’auteur : « J’ai le sentiment qu’en les assemblant [les codes ou leçons] de façon cohérente dans une seule métaphore, celle du Samouraï propulsé dans le monde de l’entreprise, ces leçons ne peuvent que gagner en puissance de transmission et d’émulation. » Il est question de plaisir personnel et partagé en entreprise, au bénéfice de tous.
Réinventer la déontologie
L’ère du numérique a entraîné des modes de fonctionnements et de pensées différents, d’autres formes de gouvernance et de collaboration. Deux notions fondamentales sont apparues : la sincérité et l’honnêteté en interne, et vis-à-vis de sa cible finale. Une nouvelle éthique professionnelle est née. L’auteur compare cette dynamique avec celle utilisée sur le tatami et explique qu’il existe deux types de combattants. L’un : « fort physiquement et doué sur le plan tactique ». L’autre : « plus changeant et plus réactif. Même s’il utilise une stratégie précise (…), moins prévisible ».
Aujourd’hui, ce qu’il est important de considérer c’est la souplesse, s’adapter en temps réel, tout en veillant au cap. Ne pas perdre de vue la vision d’entreprise, fil d’Ariane grâce duquel on ne dévie pas. En résumé : constance et agilité, face à des clients dont le comportement et les envies évoluent en permanence. L’équation consiste à garder « un équilibre personnel » tout en « défendant les intérêts financiers de son entreprise ». Le meilleur atout pour y parvenir, en dépit des conflits d’intérêts et des luttes intestines, est l’intégrité source de crédibilité.
L’auteur se fonde sur son parcours personnel et ponctue sa démonstration de pratiques propres au Samouraï. Chacune développe une spécificité qui enrichit sa stratégie de développement personnel, son intégrité et sa crédibilité. L’aïkido, par exemple, art martial qui décrit la réunion (aï), l’esprit (ki) et la voie (dô), signifie : « la voie d’unification des énergies de la vie ».
Principes et règles
Joris Merks, par l’exemple, a identifié quatre principes d’efficacité : Acuité de conscience (intérieure et extérieure), Balance (équilibre, estime de soi), Centre de gravité (contrôle et ajustement) et Distance (établir des frontières, anticiper). Il développe chacun et les met en corrélation avec la prise de risques à appréhender, ou la rapidité de réaction nécessaire, selon différents cas de figure. Ces principes aident à l’harmonie : le « Zen no zen. (…) Contrer l’attaque avant ce que celle-ci ait atteint son point d’impact ».
L’auteur poursuit en expliquant cinq règles du développement personnel, dans une logique d’amélioration continue : le sens de la responsabilité, la pro-activité, le non-jugement, la conscience d’objectifs raisonnables, une liste de priorités et de paliers nécessaires. Il cite Musashi : « Ne faites rien qui ne vaille la peine d’être fait » et préconise de ne pas omettre le plaisir, l’inspiration et le relâchement.
Pour conclure ce chapitre, il s’appuie sur l’ïaido, un autre art martial japonais « caractérisé par la recherche de la perfection dans l’art de brandir le sabre. Le terme ïaido peut approximativement être traduit par –la voie de la présence dans l’instant et de la réaction immédiate ».
Planifier son avenir
Mettre en place une stratégie de développement personnel, développer une pleine harmonie au service de l’entreprise, se fixer des objectifs et être en mesure de s’ajuster ne valent que si l’entreprise permet une gestion du bien-être au travail. Selon Joris Merks, « savoir gérer sa satisfaction professionnelle relève de la responsabilité individuelle de tout employé ». Il démontre par la preuve à quel point il est possible de se créer les conditions de travail optimales.
Selon lui, nous sommes confrontés à trois options : changer ce qui ne va pas, accepter ce qui ne va pas, s’éloigner de ce qui ne va pas. Bien sûr, ce n’est pas aussi simple dans les faits que dans un ouvrage illustré sur papier glacé. Joris Merks en est conscient : il a lui-même éprouvé les situations qui ont provoqué cette nécessité de partager ce vécu et la manière qu’il a considérée comme étant la meilleure pour s’accommoder et se responsabiliser. Il met en pratique l’art du jiu-jitsu, moins considéré comme un art martial que dans sa dimension historique, qui a dû s’adapter aux évolutions sociales et sociétales, avec « l’histoire des techniques de survie au combat. »
Ce qu’il cherche à révéler, c’est le pouvoir de chacun à gérer la résistance au changement, à se révéler efficace face à la confusion, à porter le masque qu’il faut, quand il faut, à devenir maître de soi. Quand il ne ponctue pas par un art martial, il adopte une fable ou une parabole, toujours agrémentée d’un dessin éloquent. Joris Merks ne dévie pas de son conducteur, qu’il agrémente de métaphores, d’aphorismes, de cas d’école, de pratiques sportives (qu’elles soient ou non guerrières), d’une sémantique adaptée. En somme, il adopte « une attitude qui correspond à la philosophie des arts martiaux, qui n’ont pas pour mission d’enseigner à agresser l’autre. Tout l’art consiste en fait à savoir que l’on peut se montrer agressif et affirmé si le besoin s’en fait sentir ».
Il termine en présentant le kendo – la voie du sabre, qui s’est développé sous l’influence du bouddhisme zen et qui consiste à ne pas se laisser intimider ou bercer d’illusions. Il enjoint enfin à se confronter à ses peurs, les affronter, accepter de perdre pour mieux gagner, comme au karaté – la voie de la main vide, considéré comme « le marathon de toute une vie, que l’on ne peut remporter qu’à force d’autodiscipline, d’entraînement assidu et de créativité personnelle », selon Shoshin Nagamine, un maître incontesté.
Joris Merk est aujourd’hui responsable Recherche et Développement chez Google, après avoir dû arrêter sa carrière professionnelle dans les arts martiaux.
Comment réussir dans le monde de l’entreprise ? Le code du Samouraï. Joris Merks, illustrations de Thera Benjaminsen.
159 pages illustrées, 11,90 euros. Aux éditions Contre-Dires.
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