Frédéric Marquette co-dirige l’EIM –Excellence In Management, une firme internationale de conseil en solutions managériales et en délégation de dirigeants.
Il est aussi auteur et avait déjà publié aux éditions Alisio « Cent jours pour réussir », un ouvrage dans lequel il dévoilait les secrets d’une prise de fonction réussie.
Il poursuit en révélant aujourd’hui ce qui fait le succès des carrières qui se démarquent, en deux parties : la première consacrée aux profils types, la seconde aux carrières remarquables de dirigeants. Il a privilégié le testimonial et chaque chapitre est davantage ponctué de verbatims que de théories, principes ou infographies, pour un état des lieux par l’exemple, concret et incarné : « la force du vécu ». La forza del destino, comme l’a traduit Verdi en son temps.
Car, en vérité, il n’existe pas de règles ni de recettes miracles, aucune méthode particulière. Ce serait trop simple. D’ailleurs cela vaut pour n’importe quel type de réussite : un succès littéraire, cinématographique ou pictural n’est jamais prévisible, et le talent seul ne suffit pas. Il existe en revanche un certain nombre d’éléments à considérer pour éviter de se fourvoyer.
Qui ? Pourquoi ? Comment ?
Ce que la forme particulière de « paroles de dirigeants » révèle, c’est un certain nombre de dénominateurs communs qui composent la singularité et l’exemplarité de certaines carrières. C’est ce à quoi l’auteur s’est attaché : « Quelle est la part de qualités personnelles, de chance, de stratégie de carrière dans ces réussites ? (…). Les (…) facteurs de réussite d’une carrière et les qualités distinctives des grands dirigeants ». Si le propos concerne l’ensemble des dirigeants, il s’adresse en priorité aux cadres en situation de progression et, à mon avis, les échos peuvent se transposer à d’autres univers que le seul milieu corporate ou institutionnel.
La richesse des témoignages va bien au-delà des sphères économiques : elle s’extrapole aux milieux culturels, artistiques, éducatifs, associatifs et finalement à toutes les industries. Il s’agit aussi d’un guide, didactique : « Si l’on a l’ambition de suivre un beau parcours professionnel, il est important d’en mesurer assez rapidement toutes les exigences pour effectuer ses propres choix en connaissance de cause et éviter des désillusions à l’arrivée ». Voilà : ce qui importe en premier lieu relève d’un choix mûri, appréhendé dans toutes ses dimensions et par les risques, avec une anticipation raisonnable des conséquences que ce choix implique.
Philippe Marquette précise avoir « enquêté » dans des secteurs « ouverts », qui subissent moins d’influences (groupes familiaux) ou de facilités (cooptation, réseautage, corporatisme) pour une approche neutre et objective, la plus large possible. Enfin, trois angles ont été circonscrits dans un souci d’homogénéité des visions partagées : « l’opinion que les dirigeants ont d’eux-mêmes (…), la vision qu’ils ont de la réussite de leurs pairs (…), l’exposé concret de leur parcours ». Soi-même, au milieu des autres, avec ce faisceau d’incidences susceptibles d’élever.
Existe-t-il un profil type de ces dirigeants ?
Ce qui apparaît en premier lieu, c’est la personnalité affirmée des dirigeants qui ont progressé jusqu’aux sommets ou qualifiés de hauts potentiels, et leur ouverture d’esprit : « Pour atteindre les sommets, il est nécessaire d’avoir un profil complet, qui regroupe un éventail de compétences ». Cela s’acquiert par étapes : compétences techniques, managériales et le leadership. « Une vision, c’est-à-dire la capacité à gérer la complexité des situations ainsi que les aspects politiques ». Un résumé clair et éloquent synthétise : « CEO = vision + people + task-oriented ».
Ce qui est démontré et qui converge ensuite, c’est que les aspects techniques peuvent s’apprendre, pas ce qui relève de l’humain. Probablement la véritable différence se situe-t-elle dans ce domaine. Chaque chapitre est illustré par une citation ou l’aphorisme d’un auteur ou d’une personnalité remarquable dans son domaine d’expertise : « Don’t manage, lead ! » Jack Welch. Pour réussir « il faut avoir du cœur et des c……. » ! Ce dosage, humanité et courage, est ensuite complété par la chance et un équilibre satisfaisant « dans son corps et dans sa tête ». Il s’appuie à l’origine sur une détermination et un engagement personnels sans équivoque. Logiquement, l’enthousiasme et l’énergie en découlent.
Dès l’enfance, il est possible de savoir quel genre de carrière nous est destiné : « L’enfance, c’est ce qui donne le moteur, l’ambition de réussir ». Bien sûr, les rencontres sont déterminantes et orientent, mettent sur la voie, peut-être plus rapidement. Ce qui implique une forme de curiosité à cultiver : « lire beaucoup, s’intéresser à des sujets variés –en dehors de l’activité professionnelle ». Et, pour un esprit sain dans un corps sain, rien de tel que « Faire rien. Ce n’est pas ne rien faire. Je me mets devant un mur blanc et j’essaie de ne pas penser. C’est un moment d’écoute intérieure. JE SUIS TOUT COURT » : Être ou ne pas être, telle est la question, et elle ne date pas d’hier.
Cette santé permet une résistance au stress supérieure ou plus efficace, et de décider, même dans l’urgence, sans regret ni remord : « Le management est l’art de prendre des décisions à partir d’informations insuffisantes », Roy Rowan. Alliance émotionnel-rationnel. Cela non plus ne s’apprend pas, c’est inné, naturel, fondateur d’un style. Une autre caractéristique, c’est l’authenticité. Être soi-même. Cela favorise l’entregent, les relations aimables et la convivialité, l’autorité, l’humour. Cela cadre une personne. Le livre interpelle : « A 20 ans, on est prêt, à 35 ans, tout est joué ».
Il est important de prendre conscience le plus tôt possible de ses points forts, de ses faiblesses pour les traduire en atouts, et d’accepter ses limites. A cet égard, la confiance en soi et l’humilité sont deux marqueurs non négligeables d’une carrière réussie. Tous les avis concordent et appuient les propos de Boris Cyrulnik sur le tempérament et le « goût du monde », qui permettra souplesse, agilité, adaptabilité, évolution et projection : « Si l’on veut obtenir quelque chose que l’on a jamais eu, il faut tenter quelque chose que l’on a jamais fait ». Périclès déjà, incitait à l’audace.
Quel est le but ultime d’une carrière réussie ?
« DG, what Else ? ». Le but ultime d’une carrière réussie est-il d’obtenir le titre de directeur-général ? Nietzsche, très présent en filigrane, répond : « Vis de telle sorte que tu doives souhaiter revivre, voilà la tâche ». Un dirigeant anonyme conforte : « L’essentiel, c’est de pouvoir se dire à 60 ans : je suis content de ce que j’ai fait ». Cela me rappelle un film : Va, vis, deviens. Trouver sa place dans la société, sans se trahir. « L’essentiel n’est pas de réussir, mais de se réaliser ». Pour autant, une question se pose : gère-t-on vraiment sa carrière ? Les témoignages recueillis prouvent que non, il n’existe aucune carrière planifiée. Au contraire, se dévoiler carriériste et arriviste dessert.
Ce chapitre est plus philosophique : connais-toi toi-même et accepte les challenges qui te sont soumis. Logique de développement personnel, intelligence des situations, écoute : « Ce qu’on te reproche, cultive-le, c’est toi ». Cela peut sembler naïf, pourtant quand on sait que Cocteau a prononcé ces mots et si on les met en miroir de sa carrière, ça fait réfléchir. Certes, ce chapitre comporte quelques lieux communs ou idées reçues, cependant il rapporte une chose très juste, relative au « timing ». Les dirigeants interviewés sont lucides : « Ne pas rester dans un job si l’on n’est pas motivé ». En effet, il s’agit de voir grand, de faire au mieux et non pour le moins, par facilité.
Dans ce contexte, être aligné avec soi-même ouvre les bonnes portes au bon moment. Frédéric Marquette démythifie le rôle des réseaux, même si les femmes et les hommes qui se prononcent concèdent que « Le réseau peu taider ». Il relativise de la même manière le talent versus la chance qui semble, pour tous, l’arbitre de la moitié de nos actions », en accord avec Nicolas Machiavel.
Je vais terminer avec la citation d’Albert Camus : « Ce qui est possible mérite d’avoir sa chance », et les trois piliers fondateurs qui la cimentent. Les rencontres, l’expérience, les opportunités. Bien sûr, un chapitre est consacré aux femmes. Ce qui semble constituer leur atout différenciant majeur est leur égo : moindre. Leur sensibilité : revendiquée. Leur sens du « bon sens ». Néanmoins, l’on pourra regretter le manque de citations féminines dans cet ouvrage ! Pourtant les ascensions féminines sont légion, elles ont été précurseurs dans de nombreux domaines, scientifiques, artistiques, industriels et la plus belle conclusion à cet ouvrage, c’est probablement le buste d’Olympe de Gouges à l’Assemblée Nationale.
« Pourquoi eux ? Les secrets d’une ascension » par Frédéric Marquette : un livre indispensable pour prendre son destin professionnel en main, 338 pages, 23 euros, éditions Alisio.
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