S’adapter aux diverses cultures managériales et à leurs conséquences sur les prises de décision fait partie des enjeux majeurs du consultant.
Pour mieux comprendre les spécificités de chaque profil de dirigeant, nous vous proposons une série d’articles dédiés aux tendances managériales. Ce deuxième article sera consacré au mode consensuel.
Les caractéristiques du mode consensuel
Ce style de management, longtemps qualifié et encore aujourd’hui de « participatif », est fondé sur un exercice collégial du pouvoir. On doit à l’École des Relations humaines et à toute une génération de chercheurs en sciences sociales d’avoir osé réaffirmer la primauté de l’humain dans les entreprises. Ce fut largement en réaction aux limites du système taylorien qui a inspiré les conceptions hiérarchisées, verticalisées et gestionnaires du management des organisations (voir notre premier article : “Le mode commandement”).
L’influence des américains E. Mayo, D. McGregor, A. Maslow, et les idées décisives de F.J. Herzberg, théoricien de l’enrichissement des tâches, vont inspirer pour les années des trente glorieuses (1950-1980) l’émergence d’un mode plus consensuel du pouvoir. Le management participatif tend à infiltrer plus ou moins les pratiques directrives. On s’interroge sur ce qui peut rendre motivant le travail, on encourage les initiatives, on offre des formations pour faciliter la montée en compétences (les premières lois sur la formation continue en France datent de juillet 1971). Le travail en groupe est privilégié ; on expérimente la consultation ; on cherche à soigner la qualité des relations.
C’est aussi l’époque des « Cercles de Qualité », inspirés de méthodes japonaises qui ont transité par les États-Unis. L’idée est de donner du sens au travail, de faire participer aux décisions, d’encourager l’autonomie. Le tout avec une finalité : tenter de réconcilier productivité et bien-être au travail. On demande aux chefs, non plus de formuler des directives, de contrôler, de surveiller, mais d’animer, de motiver, d’aider, de faciliter. La culture de la participation s’installe : il s’agit de montrer que l’on peut s’émanciper au travail. L’économie connaît une forte expansion et autorise certaines expérimentations. Les notions de qualité, d’écoute, de concertation se substituent à productivité, discipline, sanction. On procède moins par ordre que par recherche du compromis : la négociation monte en puissance.
Profil du dirigeant : le style participatif
Pour les profils directifs, habitués à l’exercice de l’autorité, le changement est perturbateur. Le manager participatif moderne doit être ouvert, accessible et disponible pour accompagner et créer les conditions favorables à la réussite de son équipe. Pas surprenant que des « couacs » se soient produits. La responsabilité s’est retrouvée dissoute, de la confusion et des malentendus se sont révélés au sein du management. Le sociologue Michel Crozier a pu montrer que le mode participatif se heurtait à des structures et à des pratiques hiérarchiques encore fortement rigides, pas prêtes à céder devant les demandes d’initiatives, d’autonomie et de coopération.
Le manager de cette nouvelle époque doit être un homme ou une femme de dialogue et de communication, avec un sens de l’humain, du respect, de l’estime des autres. Il doit manager à la confiance et non pas à la contrainte. Il doit savoir doser fermeté et ouverture. C’est l’époque du « travailler ensemble », jusqu’à l’excès puisqu’on a pu parler des risques de « réunionnite ». On découvre que prendre des décisions en groupe est sûrement gratifiant, mais pas simple. On a pu montrer du doigt des discussions sans fin, des tergiversations à la place des décisions. Bref l’apprentissage et le « dé-bridage » du système pyramidal et hiérarchisé ne se sont pas faits sans grincements.
Au cours de la décennie 80-90, le mode consensuel et participatif va être mis à l’épreuve de nouvelles exigences : montée de la concurrence internationale, crises économiques annoncées, début de la financiarisation de la société, culte de la performance. Le management participatif n’aura été qu’un épisode instable, prometteur mais expérimental avant la poussée du leadership : un management fondé sur l’optimisation des ressources et la recherche de résultats à court terme sur un fond de tensions et de crise.
Conseils pour le consultant
En 2016, autant dans les PME que dans les grands groupes, le style consensuel et l’exercice participatif du pouvoir gardent ses adeptes. C’est très sensible dans le monde coopératif comme dans l’univers des mutuelles. Mais aussi dans les services ou l’industrie. Ces dirigeants privilégient la relation humaine, les valeurs de confiance et d’estime.
Avec eux, il convient de respecter la qualité d’adhésion et de suivre quelques recommandations :
- Avoir une approche modeste, non dominatrice : ces managers n’aiment pas les certitudes et se méfient de toute forme de conviction excessive,
- Accorder une grande place à l’écoute, au questionnement, à la consultation,
- Développer des réponses et des solutions co-construites, donc sur mesure,
- Ne pas chercher à forcer des décisions ; dans ces entreprises, les décisions sont souvent collégiales, elles doivent être discutées,
- Avoir une approche gagnant-gagnant, mettre en avant tout ce qui peut être réalisé « ensemble » (c’est le mot clé du mode participatif… et parfois le problème !),
- Proposer une réflexion nuancée, équilibrée (pas de comportement catégorique) dans la continuité avec une évolution en douceur (pas de rupture radicale),
- Faire preuve d’humilité, ne pas se mettre en avant (le style participatif goûte très peu les égos surdimensionnés),
- Être raisonnable en tout (contenu, objectifs, format d’intervention, prix),
- Montrer son intérêt pour un partenariat dans la durée (la qualité relationnelle est un bon gage pour la fidélisation),
- Mettre en avant le travail d’une équipe (au minimum d’un tandem) : les dirigeants participatifs apprécient tout ce qui est collectif et sont suspicieux à l’égard de l’approche individuelle (quelqu’un qui saurait tout et ferait tout lui-même).
Voici les articles précédents de Lionel Bellenger :
- Voyage dans la tête des dirigeants : les 4 tendances managériales
- Profil de dirigeant : Le mode commandement
- Profil de dirigeant : Le leadership
- Profil de dirigeant : L’autorité responsabilisante
A propos de l’auteur
Lionel Bellenger est l’auteur de « L’autorité responsabilisante », un livre indispensable pour refonder l’autorité sur l’engagement et le respect.
Maître de conférences à HEC Executive Education, il a fondé la société IBEL (conférences et formations) dans le Val-de-Marne. Directeur de la collection « Formation permanente », il est l’auteur d’une cinquantaine d’ouvrages concernant le management, la communication et le développement personnel.
Il a notamment écrit « Comment manager demain » chez ESF Éditeur, co-écrit avec Philippe Tramond – Dirigeant de Pilotis.