Depuis le 2 avril 2015 et l’adoption d’une ordonnance gouvernementale, la réglementation du portage salarial est enfin précisée.
Une ordonnance qui sécurise cette nouvelle forme d’emploi entre entrepreneur et salarié. Retour sur cet événement majeur pour les professionnels du portage salarial et pour les portés.
On peut s’étonner de devoir encore parler de légalisation du Portage Salarial après la loi de 2008 et l’accord signé avec les partenaires sociaux en juin 2010 qui abordaient déjà les conditions d’exercice de cette profession nouvelle.
Pourtant il a fallu réécrire la loi, car ce régime juridique a été invalidé par le Conseil Constitutionnel. Celui-ci souligne en substance dans ses considérations, qu’un texte législatif ne pouvait renvoyer à un accord entre les partenaires sociaux pour spécifier les droits et obligations des personnes concernées par cette profession.
Cette exigence nouvelle a nécessité un travail assidu de la part des équipes du Ministère du travail : consultation des experts et des partenaires sociaux, rédaction et mise en œuvre d’un processus législatif qui vient de s’achever par l’examen du projet de texte par le Conseil d’Etat.
Ce 2 avril 2015 une ordonnance globale est enfin promulguée et publiée au journal officiel le lendemain.
Un texte nouveau, plus complet et plus en phase avec le quotidien du Portage Salarial
On retrouve dans ce texte des éléments qui figuraient déjà dans la loi de 2008 et dans l’accord professionnel de 2010 pour ce qui est de l’essentiel mais il contient également des éléments nouveaux venant modifier, préciser ou améliorer les deux derniers contenus.
Au-delà de l’analyse détaillée qu’on peut faire ligne à ligne de cette loi, il faut en premier souligner qu’il s’agit d’un événement mettant en exergue l’importance prise par le portage Salarial ces dix dernières années. Cette forme nouvelle d’emploi est devenue incontournable car elle est non seulement un tremplin vers l’autonomie – dont la motivation ne cesse de progresser chez les salariés (voir le baromètre 2014 de la Fondation ITG) – mais elle constitue aussi un formidable espace de transition pour les personnes entre deux emplois ou qui souhaitent tester plusieurs projets entrepreneuriaux avant de se fixer définitivement.
Le portage salarial est également devenu précieux pour les entreprises dans la mesure où il leur permet de mieux adapter leur management à la maîtrise de projets complexes. Qui dit projet, dit opération limitée dans le temps, et en général cette limite contraint des entreprises qui ne disposent pas toujours des ressources qualifiées nécessaires. Bien que ces expertises soient indispensables, elles ne seront nécessaires que dans le temps éphémère du projet et ne pourront en conséquence être identifiées comme des postes pérennes surtout dans le contexte économique incertain actuel.
C’est dans la jonction de ces deux motivations que le portage a principalement trouvé sa vocation, celle qui lui est aujourd’hui reconnue comme nécessaire au bon fonctionnement du marché de l’emploi (principalement des experts-métiers, souvent seniors) et à la conduite du changement dans les organisations.
Des avancées notables qui facilitent l’utilisation du portage
Le principaux points qui méritent d’être soulignés sont les suivants :
1. Élargissement de la population éligible au Portage Salarial
Sur ce point, l’accord de 2010 a paru trop restrictif tant à quelques syndicats de salariés qu’aux Professionnels des Entreprises de Portage Salarial, le syndicat des entreprises (le PEPS). En effet, le Portage, dans cet accord, restait réservé aux cadres. Il était par ailleurs assorti d’un salaire minimum qui s’élevait en montant brut à 2900 € pour un mois de travail complet. Ceci excluait nombre de professionnels pourtant déjà autonomes et devant se contenter du choix restreint de formules existantes qui les tenaient écartés du salariat (autoentrepreneur, travailleur indépendant…). On peut citer les formateurs, traducteurs, illustrateurs, correcteurs, …
Dans ce nouveau texte (lien), la qualification d’expert est explicitement reconnue et le salaire de base ramené à la réalité courante – et malgré tout raisonnable du point de vue des portés représentés par leurs organisations – de deux fois le plafond de la sécurité sociale.
2. La loi nouvelle lève une ambiguïté qui subsistait dans la loi de 2008 et qui pouvait conduire à des contradictions d’ordre juridique
Le Portage Salarial est une formule originale basée sur le fait que le Porté recherche lui-même ses missions. Or, en droit français, jusqu’à présent, c’était à l’employeur de rechercher du travail pour son salarié. On comprendra bien que cette seule condition mettait en péril la profession et avec elle plus de 30 000 emplois.
Le Portage Salarial est un choix que font des personnes pleinement responsables et libres de se déterminer parmi ce qui représente aujourd’hui un nombre élevé d’alternatives. Il ne peut exister de choix que si les différentes propositions auxquelles elles ont légalement accès ne se ressemblent pas. C’est l’opposé de la formule unique de salariat qui, bien qu’ayant jusqu’ici représenté un idéal, ne peut plus s’imposer comme une solution universelle aux situations actuelles.
3. Renforcement des garanties apportées aux experts portés
Enfin, l’ordonnance annonce que sera fixée par décret le cautionnement nécessaire à la garantie des salaires des personnes portées auquel devront se soumettre les entreprises de Portage Salarial. En outre, leur création est conditionnée par une déclaration obligatoire auprès d’une autorité administrative.
Ces dispositions apportent beaucoup des précisions attendues. Elles ouvrent une voie nouvelle dans l’univers du salariat : celle de l’autonomie professionnelle choisie. On peut désormais être autonome et salarié à la fois, c’est-à-dire bénéficier de la protection sociale due aux salariés et travailler à son initiative.
Compte tenu des évolutions sociologiques et économiques, cette formule séduira nombre d’acteurs forces vives d’une société en devenir qui aura su protéger et faire évoluer le principal de ses acquis sociaux.
Pour plus de détail :
- Voir l’infographie qui présente l’essentiel de cette ordonnance
- Consulter le texte intégral de la loi : Ordonnance n° 2015-380 du 2 avril 2015